L’exil fiscal de Depardieu fait le bonheur des banquiers privés et autres avocats fiscalistes
Après le patron de LVMH Bernard Arnault, c’est donc au tour de Gérard Depardieu, l’un des acteurs les mieux payés du cinéma français, de faire la Une de l’actualité pour son installation à Néchin en Belgique (à seulement un petit kilomètre de Roubaix) qui n’a pas manqué de susciter l’indignation de l’ensemble de la classe politique française.
« Il voulait trouver une résidence en Belgique pour échapper a la fiscalité française même s’il aurait aussi bien pu s’installer à Bruxelles », a confié Daniel Senesael, bourgmestre de la commune d’Estaimpuis où se trouve Néchin, le village où Gérard Depardieu a décidé de poser ses valises. Proche de la frontière française, l’endroit est déjà connu pour abriter de riches expatriés et compte 27 % de Français parmi ses habitants.
Il va sans dire que Gérard Depardieu a été bien conseillé avant de prendre sa décision. On imagine bien son banquier ou son conseiller financier lui glisser à l’oreille que la fiscalité belge est particulièrement avantageuse pour les grosses fortunes : il n’y a en effet pas d’impôt sur la fortune ni de taxation des plus-values, et les droits de succession sont plus avantageux qu’en France. Il suffit pour cela de résider en Belgique, sans pour autant acquérir la nationalité belge !
Une relation de confiance
Reste à savoir si les avocats fiscalistes et autres banquiers privés belges vont être pris d’assaut par des clients avides de conseils pour s’exiler. Rien n’est moins sûr… « Le fait qu’un nombre croissant de clients français fortunés passent la frontière belge est plutôt une bonne nouvelle pour nous, même s’il est difficile de mesurer l’impact réel sur le recrutement en private banking à ce stade », nous a confié Charles-Henri Rouvroy, manager au sein de la division Financial Services chez Robert Walters Belgique. Souvent, les clients ont tendance à rester fidèles à leur banquier d’origine, la banque privée étant un secteur où l’intuitu personae demeure très important. Ainsi, les fiscalistes français ne sont pas en reste. Ils profitent également des nombreuses sollicitations de potentiels candidats au départ. Un fiscaliste parisien nous a récemment confié que l’instauration d’une nouvelle tranche d’impôt à 75 % pour les revenus supérieurs à 1 million d’euros avait eu pour principal effet de faire sauter un verrou psychologique pour un nombre croissant de clients.
Guère étonnant que certains établissements français aient décidé de prendre les devants, à l’image de ces compagnies d’assurance et filiales d’assurance de groupes bancaires qui ont récemment renforcé leur présence sur le sol belge afin de distribuer leurs contrats hauts de gamme auprès d’une clientèle aisée attirée par les avantages fiscaux de contrats d’assurance vie de droit local et par les placements sophistiqués.
En termes d’emplois, un certain nombre d’offres postées sur eFinancialCareers Belgique concernaient ces derniers temps des postes de Tax advisor Manager, Tax accounting et autres Legal Consultants. Et toutes les structures semblent en être friandes, depuis les banques jusqu’aux cabinets d’audit en passant par les sociétés de conseil. Dès lors, on ne s’étonnera pas que les fiscalistes font partie des rares fonctions financières qui ont vu leurs rémunérations augmenter sur l’année 2012 en Belgique… mais pas seulement.
En 10 ans, le nombre d’exilés fiscaux français a doublé : 717 contribuables assujettis à l'impôt sur la fortune (ISF) ont quitté la France en 2010 (contre 384 en 2001), selon la dernière étude sur l'expatriation fiscale, menée par le syndicat Solidaires-finances publiques, et publiée le mois dernier (Les Échos).
La Suisse reste la terre d'accueil privilégiée (16 % des départs), suivie de la Belgique et du Royaume-Uni (12 %), puis des États-Unis (9 %). Avec son système de forfait fiscal, la Suisse, attire en effet de nombreuses fortunes étrangères. Ainsi, 43 familles françaises figurent cette année parmi les 300 familles plus riches de Suisse, dont un nouveau venu Claude Dauphin, ancien trader chez Glencore et fondateur de Trafigura avec 5 autres fondateurs dont Eric de Turckheim, qui figure lui aussi au classement (La Tribune). Tous ces exilés fiscaux font travailler sociétés fiduciaires et autres bureaux d’avocats fiscalistes qui proposent largement le forfait fiscal à leur clientèle privée. « Ces forfaits sont devenus un commerce pour beaucoup de fiduciaires », reconnaît ainsi la députée socialiste Margret Kiener Nellen qui a fait campagne contre le forfait fiscal dans le canton de Berne.