Société Générale continue son régime choc en France sur fond de délocalisations et de résultats passables
On se demande parfois comment la presse généraliste ose titrer « une performance solide » face à une situation si complexe. Cette journée de résultats du T3 2013 ne saurait mieux incarner les défis et les incertitudes des grands établissements français, confrontés à un environnement économique et réglementaire difficile qui pèse sur leurs activités de banque de détail et les contraint à reconfigurer leurs activités d’affaires.
Société Générale annonce ainsi un bénéfice net de 534 millions d’euros, certes multiplié par six par rapport au T3 2012 (alors de seulement 90 millions d’euros, plombés par des éléments exceptionnels), mais inférieur aux attentes des analystes (629 millions pour Dow Jones Newswires, 675 pour Reuters).
Malgré ce bémol, il faut convenir que SG s’en sort bien en 2013, récompense des plans d’économie et donc principalement des réductions d’effectifs. « L’année 2013 se termine et nous aurons réalisé nos objectifs », assure le PDG, Frédéric Oudéa. La stratégie de la direction semble avoir été entièrement guidée par la volonté de démontrer la solidité financière du groupe, en atteignant avec anticipation un ratio Core Tier 1 Bâle III de 9,9 %, frôlant l’objectif réglementaire de 2018, soit une progression de 51 % sur l’année.
Et quand bien même Frédéric Oudéa serait à bon port, il annonce pour 2014 « le déroulement de notre politique de réduction de coût ». « Notre rôle à nous pour que la Société Générale aborde son 150e anniversaire [le 4 mai 2014] dans la sérénité, c’est d’anticiper, de se préparer, ce n’est pas d’attendre de voir ce qu’il va se passer. » Et de conclure : « tous les métiers sont concernés ».
GBIS : nouvelles suppressions de postes et délocalisation dans le back-office de SGSS et rachat des parts de Crédit Agricole dans Newedge
Pour donner la couleur avant l’annonce des résultats de Société Générale, la CFDT avait rendu public hier après-midi un nouveau plan de réduction des effectifs dans le back-office de SG Securities Services, information d’abord relayée par Les Échos. La logique de ce plan est un peu différente de celle des premières coupes annoncées en 2012-début 2013, qui portaient sur la BFI. « C’est la continuité du plan d’Oudéa de réduire les cinq pôles d’activité en trois. Avec Mikado, on a externalisé. Là c’est de la mutualisation », explique Mathieu Pué, délégué national de la CFDT-SG.
La Société Générale a en effet mis en place en septembre une nouvelle organisation simplifiée, maintenant le réseau France au même périmètre, associant dans son réseau international ses filiales étrangères de banque de détail et ses services spécialisés et assurances, et regroupant banque de financement et d’investissement, banque privée, gestion d’actifs et métier titres dans une nouvelle entité appelée GBIS (Global Banking and Investment Solutions).
Les objectifs de la direction pour tailler dans SGSS : 375 suppressions, dont 278 en France et 97 ailleurs en Europe. Il s’agit à vrai dire d’un projet de délocalisation, puisque 250 postes doivent en fait être transférés à Bangalore en Inde. Contrairement aux précédentes annonces, qui ont été négociées en amont avec les syndicats et actées par un accord, « ces projets sont encore à l’état d’étude. C’est un maximum qui a été annoncé. » Mathieu Pué assure ainsi : « nous allons négocier ».
Le contexte ne s’y prête pas. L’activité de GBIS est assez terne ce trimestre, avec un résultat net de 366 millions d’euros, -4,9 % par rapport au T3 2012. Si ce n’est des annonces de provisions, rien n’a filtré sur les questions de litige, en particulier sur l’Euribor. La direction n’a pas non plus souhaité commenter les rumeurs de cession de la filiale de banque privée de Singapour. Ce qui fait l’actualité, c’est toujours SGSS avec l’annonce du projet de prendre le contrôle total de Newedge, en rachetant pour 275 millions d’euros les 50 % détenus par Crédit Agricole – qui a pour sa part annoncé des résultats encourageants, avec un bénéfice de 1,43 milliards d’euros pour le groupe, dont 728 millions d’euros par Crédit Agricole SA, l’entité côtée.
Au deuxième trimestre, Newedge inquiétait encore, avec des résultats en berne et des rumeurs de cession. La direction a finalement fait le choix de renforcer son « offre de services de l’exécution des transactions au post-trade (opérations de compensation et services associés) et d’intensifier sa présence dans les zones Amériques ». Finie donc, d’après Didier Valet, directeur de GBIS, la perspective d’un démantèlement envisagé en 2012. « La séparation qui était envisagée dans le plan de restructuration est arrêtée. Nous envisageons de racheter l’ensemble des activités, avec la volonté de leverager à la fois sur la partie courtage pure et sur la partie clearing. »
La banque de détail à la veille d’une période de transformations douloureuses
Autrement plus inquiétante est la situation des réseaux France et internationaux. Si les résultats sont acceptables à un niveau national (308 millions d’euros, soit - 12,3 % par rapport au T3 2012), ils reflètent nettement plus les difficultés des autres marchés (84 millions pour l’international, soit - 25 %), particulièrement en Roumanie.
Jean-François Sammarcelli, directeur de la banque de détail France, n’y est pas allé par quatre chemins : « La banque de détail en France et dans les pays matures va connaître des transformations profondes dans les prochaines années, beaucoup plus que dans les 150 dernières années, dues aux mutations technologiques que l’on voit. » Et plus explicite encore : « Si on raisonne en termes d’effectifs, le digital devrait avoir pour vocation de réduire les effectifs des agences ».
Des négociations seraient en voie d’ouverture. « Pour l’instant, on n’a aucun élément, s’inquiète Mathieu Pué. Ils parlent beaucoup de digitalisation et de banque à distance. Nous, syndicats, on est très sceptique. La banque physique n’a pas vocation à disparaître. » Néanmoins dès le début de l’année 2013, Jean-François Sammarcelli n’avait pas hésité à envisager des fermetures d’agence.