Ma vie en dehors de la finance est beaucoup plus difficile
Avez-vous les jambes pour tenir le rythme ?
Un peu plus de deux ans après avoir lancé ma start-up, j’ai commencé à me poser des questions : pourquoi donc ai-je décidé de changer de carrière ? Pourquoi ai-je quitté un job très confortable dans une banque d’investissement pour monter ma propre entreprise ? A l’époque, en 2015, c’était exaltant… la prise de risque, la satisfaction, les actions, l’opportunité à saisir…
Aujourd’hui, je suis rattrapé par la réalité.
Et qu’est ce que c’est dur !
Bien plus dur que tout ce qu’on tout ce qu’on peut voir en banque d’investissement. Au moins la banque vous permet de voyager dans de bonnes conditions, de fréquenter les grands restaurants, de profiter de soirées fastueuses, de percevoir un salaire et des bonus. Oui, on bosse dur, mais il y a aussi des à-côtés très appréciables.
Avec une start-up, il vous faudra en moyenne 5 ans pour réussir, à moins d’avoir de la chance. Je n’ai pour l’instant parcouru que la moitié du chemin. Etat des lieux : un bureau sans machine à café, avec des chaises dépareillées, pas de fiche de paie en vue à la fin du mois, des billets d’avion pas chers avec des départs à 2 heures du matin, voilà la dure réalité.
Monter une start-up, c’est mettre à l’épreuve votre clairvoyance, votre patience et votre détermination. Je dois reconnaître que je commence à m’étioler. Je crois plus en mon produit aujourd’hui qu’au début. Mais le buzz se fait attendre. Chaque jour, on se demande si la fermeture n’est pas inévitable. Travailler plus, lever des fonds, lancer le produit sur le marché, pas de buzz. Le lendemain, travailler encore plus, s’énerver toujours plus, insister encore pour lever des fonds – pour encore moins de résultats, et attaquer un autre marché. Et toujours pas de buzz.
Il y a plus que 3 millions d’applications dans les App stores. Comment faire pour intégrer le Top 100 ? J’ai 0,003 % de chances d’y parvenir.
On peut bien lire toute la littérature existante sur le lancement d’une start-up, mais rien ne vous prépare à la réalité du terrain. Vous vous couchez le soir en pensant à votre produit. Vous vous levez la nuit pour passer aux toilettes et vous attrapez votre smartphone pour regarder vos messages pros. Vous vous réveillez et vous vous connectez directement à votre site web. Combien de nouveaux utilisateurs inscrits au cours des 6 dernières heures, durant votre sommeil agité ?
Toute la journée, il n’est questions que de cibles, produit, réunions, actionnaires, clients, plus d’utilisateurs ! Et toujours pas de salaire... Et toujours avec l’espoir de pouvoir jouer de ces fameux 0,003 % de chances. Même avec une perspective de rétribution divisée par deux par rapport à ma dernière rémunération, la banque d’investissement ne manque décidément pas d’attraits !
Pierre-Antoine Roatta est un pseudonyme. Il a travaillé neuf ans chez Goldman Sachs.
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