Genève perd de son influence face à d’autres centres financiers mais entend bien rebondir
La Fondation Genève Place Financière (FGPF) organisait mardi sa conférence de presse annuelle à l’occasion de laquelle elle a dévoilé les résultats de son enquête conjoncturelle 2016-2017 qui montrent une détérioration de l’environnement dans lequel opère les établissements financiers genevois qui doivent faire face à de multiples incertitudes qui pèsent sur la marche de leurs affaires et sur l’emploi.
Conséquence : la place financière genevoise, où travaillent à ce jour 37.000 personnes réparties dans 119 établissements bancaires, chute à la 23ème place au classement général, en raison du manque de prévisibilité qui constitue un frein au développement d’un environnement propice aux affaires. « Ceci doit servir d’électrochoc aussi bien aux acteurs bancaires qu’aux autorités politiques », réagit Yves Mirabaud, président de la Fondation Genève Place Financière dans un discours choc intitulé La compétitivité de la place financière genevoise ne se décrète pas !
« Les tempêtes ont fait place à un stratus automnal dans lequel on devine les rayons du soleil », poursuit le président de FGPF. « Deux attitudes s’offrent aux établissements de la Place : ils peuvent soit se complaire dans un défaitisme résigné soit, au contraire, prendre le taureau par les cornes et s’appuyer sur leurs nombreux atouts », poursuit celui qui est également président du Conseil d’administration, Mirabaud & Cie SA, Genève.
L’effet Brexit se fait attendre...
« Le vote historique des Britanniques en faveur de la sortie de leur pays de l’UE ne doit pas nous bercer de faux espoirs ! Des incantations ne suffiront pas à provoquer un exode massif des financiers anglais sur les bords du Léman », indique Yves Mirabaud. D’après lui, l’éventuel transfert d’activités bancaires et financières suite au « Brexit » dépendra de multiples facteurs, aussi bien objectifs (réglementation, fiscalité, coût du travail, sécurité, qualité des infrastructures etc.) que subjectifs (positionnement du monde politique et médiatique face à la finance, perception de ce secteur par l’opinion publique etc.). « Or, il ne faut pas sous-estimer la capacité de résistance de la City et il ne faut pas non plus oublier qu’une présence à Luxembourg, Dublin ou Francfort permet d’accéder au marché européen, contrairement à Genève », poursuit-il.
Car l’accès au marché européen n’est pas une notion théorique. Bien au contraire, sa limitation, voire son absence, a des conséquences concrètes aujourd’hui déjà sur l’emploi bancaire suisse : alors que les banques helvétiques ont tendance à diminuer le nombre de postes de travail en Suisse, elles engagent davantage à l’étranger, selon le « Baromètre bancaire 2016 » publié par l’Association suisse des banquiers.
La priorité : attirer les talents
Toujours selon Yves Mirabaud, l’attractivité de la place financière genevoise passe avant tout par le facteur humain et donc par sa capacité à attirer les ‘talents’ et à faire en sorte que les meilleures formations possibles soient dispensées, devant d’autres pistes comme la conception d’un cadre juridique stable et la capacité à innover. Or, aujourd’hui, les incertitudes restent nombreuses que ce soit sur le plan de la fiscalité ou encore de l’accès au marché.
Evolution du chômage bancaire et financier à Genève
Pourtant, des atouts, Genève n’en manque pas. Grâce à la solidité de ses établissements bancaires, mieux capitalisés qu’avant la crise financière, elle est toujours considérée comme un « global leader ». Leader mondial de la gestion de fortune, elle connaît un essor de l’activité gestion d’actifs avec des avoirs institutionnels en constante progression, même si Londres, New York et Hong Kong tiennent le haut du pavé. Qui plus est, la place financière de Genève enregistre une augmentation de ses effectifs dans les domaines de la « compliance », de la fiscalité et de la gestion des risques.
Si vous souhaitez postuler dans une banque basée à Genève en 2017, privilégiez les petites strcutures aux grands mastodontes. En effet, selon l'enquête conjoncturell, trois quart des banques de plus de 200 personnes pensent que l’effectif de leur établissement sera réduit et le dernier quart pense que l’effectif restera inchangé. Aucune augmentation d’effectif à l’horizon donc. A contrario, les établissements plus petits tablent sur des recrutements, de même que les gestionnaires de fortune indépendants.
Promouvoir l’innovation et les fintechs
L’innovation n’est pas un vain mot : une analyse réalisée par KPMG en août 2016 montre que trop d’acteurs financiers travaillent encore avec d’anciens systèmes qui ne permettent pas de percer avec succès dans l’activité bancaire numérique. Ainsi, la prospérité future de la place financière genevoise repose sur sa capacité à innover en matière de formation, de produits et de services ainsi que dans les FinTechs. Ces dernières constituent le second champ d’innovation. Ce n’est donc pas un hasard si la FGPF, en partenariat avec l’Etat de Genève, a accueilli 24 start-ups venues présenter leurs solutions de pointe à la communauté bancaire mondiale sur le « Swiss fintech corner » à Sibos en septembre dernier.
« Pour ce qui est des FinTechs, nous incitons les autorités politiques et administratives à continuer de fournir une impulsion réglementaire déterminée », indique Yves Mirabaud. Le Conseil fédéral vient d’adopter sa « Stratégie Suisse numérique », prônant une collaboration étroite entre tous les secteurs économiques. De son côté, la FINMA a pris conscience de l’importance croissante des technologies avec sa proposition de « licence light » et l’instauration d’une identification des clients en ligne ou par vidéo.
Crédit photo : Nancy Habbas / EyeEm