Quid de la finance française après le Brexit ? Le débat ne fait que commencer...
Où sera la finance après le Brexit ? Tel était le thème du grand débat organisé mardi à l'occasion de la 6ème conférence annuelle du marché boursier qui rassemblait les acteurs de la place financière de Paris (banquiers, émetteurs, investisseurs, gérants...) avec pour invités d'honneur Enrico Letta, doyen de l'école des affaires internationales de Sciences Po et ancien Président du Conseil italien, et Ross McInnes, président du Conseil d'administration de l’équipementier aéronautique Safran et surtout ambassadeur du « guichet unique » destiné aux entreprises étrangères qui souhaiteraient venir s’installer dans la région Paris Ile-de-France.
Celles et ceux rêvant de travailler dans une banque de la City qui viendrait s'installer à Paris devront patienter encore un peu car le processus de sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne sera plutôt long. « Plutôt que de parler de la finance après le Brexit, il vaudrait mieux parler de la finance PENDANT le Brexit. En effet, il est impossible que le Brexit se termine en deux ans, mais plutôt en 8-9 ans. Il faut donc se préparer à l'instabilité », indique Enrico Letta.
D'autant plus que l'on s'achemine vers des négociations longues et difficiles. « Il ne peut y avoir de soft Brexit, mais uniquement un hard Brexit », indiquait ainsi Enrico Letta quelques heures avant le discours de Theresa May qui venait ainsi confirmer ses dires en annonçant un divorce pur et dur avec l’Union européenne. Un hard Brexit qui force donc la France à « agir dans l'intérêt de sa place financière et savoir accueillir les entreprises qui le souhaitent », précise Ross McInnes.
Et d'ajouter que le statu quo n'était pas possible, notamment en ce qui concerne le passeport européen ou la compensation d'activités en euros. « Nous ne voyons pas d'avenir négatif suite au Brexit, mais au contraire des opportunités », réagit pour sa part Jean Lemierre, président de BNP Paribas. Des discussions sont bien sûr déjà en cours même si pour l'instant rien ne filtre vraiment. « Les transferts de la City vers Paris se feront dans la plus grande discrétion, sans bruit, sans éclats », précise Ross McInnes.
Des forces... et des faiblesses
En attendant, Ross McInnes rappelle les points forts de la place de Paris : une économie réelle de taille mondiale, un régulateur de qualité reconnu à l'international, des compétences en asset management juste derrière la place de Londres, la présence de nombreux sièges d'entreprises (et donc de fonctions comptables et support), des infrastructures de qualité avec un immobilier abordable, des lycées internationaux, etc.
« La moitié des conversations que nous avons au guichet unique tournent autour de sujets RH », reconnaît celui que l'on surnomme aussi le « Monsieur Brexit Paris-IDF ». Encore faudra-t-il convaincre, car la concurrence est féroce et la France souffre encore de faiblesses comme son instabilité fiscale et son droit du travail, certes compensés par la couverture santé et des frais de scolarité accessibles comparés au Royaume-Uni.
Vers un axe entre la City... et Wall Street ?
Enfin, la place financière de Paris, tout comme celle de Francfort, va devoir composer avec la concurrence plutôt inattendue... de Wall Street. « Donald Trump étant un supporter du Brexit, il est possible d’envisager un axe privilégié entre la Grande-Bretagne et les Etats-Unis », a déclaré ce matin Lord Edward Llewellyn, l'ambassadeur de Grande-Bretagne en France, sur les ondes d'Europe1. « Les deux ont toujours été des alliés très proches. Cela va rester le cas. Mais la France et le Royaume-Uni sont des alliés, des amis, des voisins ».
« L'un des compétiteurs à la place financière de Paris sera New York », confirmait hier Lorenzo Bini Smaghi, président du Conseil d'administration de la Société Générale. Il reste donc encore du pain sur la planche pour convaincre les banques US basées à Londres de venir s'implanter dans la capitale française. Laissons le mot de la fin à Stéphane Boujnah, directeur général et président du directoire d’Euronext qui, à travers cette vidéo, a conclut cette 6ème conférence annuelle du marché boursier sur fond de Brexit :
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