Pourquoi j'ai quitté mon job en banque d'investissement à Londres pour ouvrir une galerie d'art à Paris
Stéphane Alizond a passé près de vingt ans à travailler à la City de Londres avant de retourner à Paris, où il est en train d'ouvrir une galerie d'art. S'il n'a pas quitté Londres à cause de Brexit - il est parti bien avant - il explique que le Brexit a soudainement incité beaucoup de ses amis financiers français de la City à suivre son exemple.
« Beaucoup de gens rentrent au bercail depuis le Brexit », nous indique-t-il. « Généralement pour un changement de carrière radical. Il y a beaucoup de banquiers très brillants et compétitifs qui se consacrent à quelque chose de nouveau - je connais des gens qui ont ouvert des restaurants ou sont devenus agriculteurs ».
La City est tributaire d'une énorme proportion d'expatriés français travaillant dans la banque d'investissement, la structuration de dérivés et d'autres fonctions financières complexes qui visent les talents issus des grandes écoles. On estime à 300.000 les expatriés français vivant au Royaume-Uni et près d'un tiers d'entre eux travaille à la City. Non seulement les banquiers français craignent que leurs emplois quittent Londres, mais ils ont également peur de l'impact que Brexit aura sur le nombre de nounous, d'enseignants et autres réseaux d'aide parlant le français avec leurs enfants.
Dans sa carrière de près de deux décennies à la City, Stéphane Alizond a principalement occupé des postes dans la vente de dérivés dans des banques comme UBS et BNP Paribas. Au cours des neuf dernières années de sa carrière en banque, il a travaillé à la Royal Bank of Scotland, son dernier poste étant responsable du groupe Europe risk solution. Il nous explique qu'il « en avait marre » de la banque et voulait faire quelque chose de différent - un changement de plus en plus fréquent chez les banquiers français à Londres, selon lui. A présent, il est en train d'ouvrir une galerie d'art rue Claude Bernard, dans le 5e arrondissement de Paris.
Aujourd'hui, il est difficile pour les professionnels des ventes des banques d'envisager les jours de gloire des gros bonus d'avant-crise, mais Stéphane Alizond n'a pas dilapidé ses rentrées d'argent annuelles dans des Ferraris ou une propriété à Londres. Au lieu de cela, il a investi cet argent dans sa passion pour la photographie japonaise contemporaine.
« Mes bonus m'ont surtout permis de constituer une grande collection d'art au bout d'un certain nombre d'années », relève-t-il. « C'était plus par passion que par envie d'entreprendre, mais je savais depuis 2008 qu'il me fallait quitter la banque. Les marchés des dérivés étaient littéralement morts - personne n'ayant plus envie d'acheter des produits complexes ».
La galerie de Stéphanie Alizond qui sera inaugurée en mai, mettra en avant sa passion pour la photographie. D'après lui, la photographie japonaise contemporaine est encore une niche inexploitée dans le microcosme de l'art à Paris. Au cours de la dernière année, il a visité le Japon pour réseauter avec des artistes comme Daido Moriyama, Araki Nobuyoshi et Tomoko Sawada et importer leur travail en France. En plus d'être une passion pour la photographie en tant qu'oeuvre d'art, la nouvelle galerie de Stéphane Alizond est également une aventure commerciale, son intention n'étant pas simplement d'exposer les œuvres, mais aussi de les vendre.
Les professionnels de Wall Street peuvent dépenser d'énormes sommes d'argent pour monter des collections, principalement d'art moderne. Prenez Robert Tibbles, vendeur d'obligations chez Santander qui possède une grande collection d'oeuvres de Damian Hurst, ainsi qu'une trentaine d'œuvres d'artistes comme Gilbert et George, Simon Patterson, Ian Davenport, Michael Landy et Michael Craig Martin. Ou bien encore Paul Leong, un banquier d'investissement de Wall Street qui possède une vaste collection d'art moderne dans son penthouse de New York.
Stéphane Alizond entend bien en profiter. « Il y a beaucoup de gens dans les banques qui sont des collectionneurs d'art, et j'ai des amis dans la finance qui sont intéressés pour investir», fait-il remarquer. « Je suis un vendeur né et je connais beaucoup de professionnels de la finance et d'anciens clients qui seraient intéressés d'acheter mes photos. C'est un passe-temps et une passion qui est devenu un business ».
Image courtesy of Stephane Alizond