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INTERVIEW : l’un des fondateurs de N26 nous dévoile les clés du succès d’un créateur de fintech

Depuis 2015, Valentin Stalf construit pas à pas la banque mobile N26 avec Maximilian Tayenthal. Après un Bachelor et un Master à l’université suisse de Saint Gall, c’est en toute connaissance de cause qu’il s’est engagé sur la voie des start-ups plutôt que dans une carrière en banque d’investissement ou dans le conseil. Dans cet interview, ce Berlinois d’adoption nous dévoile les secrets du succès d’un fondateur de fintech.

Qu’est-ce qui vous a amené à lancer votre fintech N26 ? Et d’ailleurs, comment en vient-on à fonder une fintech ?

J’ai un cursus tout ce qu’il y a de plus classique. J’ai grandi à Vienne, et fait des études de gestion à Saint-Gall. Pendant ce temps, je me suis intéressé au conseil en stratégie et à la banque d’investissement, comme c’est souvent le cas pour de nombreux étudiants en éco-gestion. Après mon master, j’ai pourtant opté pour une branche en pleine expansion et me suis dirigé vers les start-ups, puis je suis entré chez Rocket Internet à Berlin. Ne pas rejoindre une banque d’investissement ou un cabinet de conseil de premier plan a sans doute été l’une des décisions les plus difficiles à prendre dans la perspective de ma carrière. Au lieu de cela, j’ai choisi une voie bien plus risquée et intégré l’incubateur internet de Berlin, qui depuis est d’ailleurs coté en bourse. Rocket Internet a acquis aujourd’hui une certaine notoriété, mais en 2011/2012, ce n’était qu’une petite entreprise lambda. Deux points ont été prépondérants dans mon choix : mon souhait de faire quelque chose où je pourrais mesurer directement les fruits de mon travail, et celui de monter une entreprise. Mes expériences en banque d’investissement ou en conseil stratégique m’ont mené à un constat : on travaille certes sur de nombreux projets, mais notre « impact » direct apparaît cruellement limité dans les premières années.

Avez-vous eu des offres d’embauche de la part de banques d’investissement ou de cabinets de conseil en stratégie ?

Bien sûr, après l’obtention de mon master, j’ai regardé toutes les possibilités qui s’offraient à moi, et j’ai eu effectivement la possibilité d’entrer dans le conseil ou en banque d’investissement.

Que faisiez-vous exactement chez Rocket Internet ? Etait-ce similaire à la fusion-acquisition ?

Non, j’étais totalement opérationnel. Chez Rocket, on montait en permanence de nouvelles sociétés, et à cet effet, on composait aussi de nouvelles équipes. J’étais membre de l’une d’entre elle, en mesure d’aider à tester des idées sur le marché, et potentiellement de monter une société. J’ai participé à des projets pour la plupart en banque et paiements. C’est là que j’ai acquis mon expérience du secteur et que j’ai constaté que la banque compte bon nombre de grandes entreprises qui n’ont pas la moindre idée de ce qu’est la digitalisation ; et aussi que de nombreux problèmes auxquels sont confrontés les clients n’étaient jamais résolus. Mon associé et cofondateur de N26, Maximilian Tayenthal, et moi avons détecté le potentiel pour changer le secteur bancaire, puis décidé de monter quelque chose dans ce domaine – c’était en 2013. On parlait peu de fintech à l’époque.

J’imagine que ce n’est pas si simple de monter une start-up. Avoir une bonne idée, c’est bien ; mais c’est autre chose de la mettre en œuvre. Concrètement, qu’avez-vous fait quand vous avez quitté Rocket Internet ?

Le premier pas essentiel à la création d’une entreprise consiste à quitter celle qui vous emploie, et émotionnellement parlant, ce n’est pas simple. Au bout du compte, il y a un gros manque à gagner et plus de salaire. Sans compter qu’une création d’entreprise est d’abord source de dépenses. Il faut puiser dans les sommes mises de côté pendant des années. Dans notre cas, cela représentait quelques dizaines de milliers d’euros. Nous avons réellement établi notre premier business plan dans notre salon, à Vienne, avant d’en discuter avec des investisseurs. Et il faut savoir que nous étions partis sur un autre modèle que N26. Notre idée, à l’origine, était de mettre sur le marché une carte virtuelle d’argent de poche pour les enfants. C’était un modèle un peu plus réduit que celui d’’une banque. En partant de là et d’un bon business plan, nous avons pu procéder rapidement à une première série d’investissements pour réunir 500.000 euros. Cette somme nous a permis de développer le premier produit en l’espace de huit mois. Toutefois, nous avons constaté en phase Beta que la plupart des clients utilisaient la carte pour eux plutôt que pour leurs enfants. Nous avons alors pris conscience d’une opportunité beaucoup plus intéressante : fonder un établissement bancaire qui rende la banque en général plus digitale, plus simple et plus transparente pour de nombreux usagers que tout ce qui existe sur le marché.

Vous êtes diplômé en gestion et votre associé est juriste. Comment avez-vous procédé pour tous les aspects techniques ?

Comme nous n’avions pas d’associé au profil technique au moment de la création, nous avons toujours essayé de recruter les bons développeurs. C’est ainsi que nous avons constitué très rapidement une équipe technique complète, de façon à ne jamais dépendre que d’une seule personne. Cela a certes généré des coûts élevés, mais nous avons eu beaucoup de chance de pouvoir embarquer à nos côtés des personnalités très talentueuses, dès le début de notre aventure.

Quelle a été la part de la programmation par rapport au coût total de l’opération ?

Au début, l’essentiel des coûts tourne autour du personnel et de l’informatique. C’est une erreur que de commencer par de gros investissements marketing. Il faut d’abord un produit capable d’attirer 10.000 clients sans trop de marketing, sachant que le produit doit être suffisamment attrayant. Une fois que le produit est devenu viral, chaque euro investit en marketing prend alors tout son sens.

L’important, c’est que les clients recommandent le produit. Dans ce cas, chaque client supplémentaire peut en faire gagner dix autres.

Tous les développements se sont toujours faits en interne, et nous n’avons fait intervenir des prestataires extérieurs que sur les projets mineurs. Au fond, toute entreprise devrait aujourd’hui se demander quand faire appel à un prestataire. Dans notre domaine, la banque de détail, l’expérience et le développement produit devraient se faire en interne. On a ici un produit entièrement digital. Externaliser les caractéristiques de différenciation n’a aucun sens.

A l’avenir, l’essentiel sera de proposer un meilleur produit à un prix plus attractif. Tout dépendra alors comment nous serons capables de digitaliser la gestion du risque ou le service client afin d’économiser sur les coûts. Nous développons par exemple un chatbot, qui pourra à terme traiter automatiquement jusqu’à 60 % des demandes clients. Nous serons ainsi en mesure de consacrer plus de temps aux questions les plus importantes de nos clients.

Votre croissance a été très rapide. Pouvez-vous nous expliquer l’évolution en termes de ressources humaines ?

Nous avons commencé à deux en 2013, et à la fin de cette première année, nous étions déjà une dizaine. Nous avons élargi l’équipe au moment du lancement de notre produit en 2015, pour atteindre une centaine de personnes en fin d’année. Nous avions alors engrangé 10 millions d’euros. Nous employons aujourd’hui 280 personnes, c'est-à-dire que nous avons plus que doublé nos effectifs l’an dernier. Nous nous sommes d’abord focalisés sur la technologie, la gestion de produit, le design et la gestion des ressources humaines. Très tôt, nous avons engagé quelqu’un pour s’occuper exclusivement du recrutement. Qui dit approche professionnelle des candidats dit aussi meilleure qualité d’échange durant le processus de recrutement et au bout du compte une équipe consolidée. Ce n’est qu’au cours des 18 derniers mois que nous avons renforcé nos équipes marketing. Elle comprend aujourd’hui une vingtaine de personnes.

Votre entreprise est-elle aujourd’hui autosuffisante ou quand prévoyez-vous d’atteindre votre seuil de rentabilité ?

Chaque euro qui rentre est réinvesti dans la croissance, qui va très certainement se poursuivre pendant encore quelques années. Notre objectif est clair : nous voulons gagner quelques millions de clients pour construire la banque de détail digitale en Europe et nous investissons dans nos produits pour y parvenir.

Quel savoir-faire bancaire et combien de banquiers faut-il pour monter une structure comme N26 ? La BaFin, le régulateur allemand, doit bien disposer de quelques éléments tangibles pour accorder une licence ?

Je crois avant tout que nous sommes face à un mythe de taille : tout dans la banque est compliqué, et on ne peut quasiment pas lever le petit doigt sans un savoir-faire bien spécifique. A mon sens, il est beaucoup plus important d’apprendre vite que d’arriver avec toutes les connaissances acquises au préalable. Cela dit, il est vrai, par rapport à la licence, qu’on a besoin de spécialistes expérimentés qui ont fait leurs preuves dans la banque de détail. C’est pourquoi nous avons constitué notre propre équipe d’une vingtaine de banquiers, qui couvre divers domaines – de la gestion du risque à la direction en banque de détail en passant par la conformité. Mais je pense qu’au fond, chaque employé de N26 est en quelque sorte le banquier du futur. Les banquiers qui réussiront dans les années à venir seront les gens qui comprendront la technologie.

Vous et votre compagnon êtes originaires de Vienne. Pourquoi avoir fondé N26 à Berlin plutôt qu’à Vienne ou à Francfort ?

Berlin présente plusieurs avantages : d’abord, elle regorge de talents. Il y a aussi, depuis plus de 15 ans, une vraie tradition dans l’accueil des start-ups. Il y finalement en Europe très peu d’endroits adaptés au lancement d’une entreprise digitale. Berlin en fait partie. Il y a ici des programmeurs, des designers et d’autres acteurs expérimentés qui connaissent très bien les différents business models. Berlin est devenu un véritable vivier de start-ups du fait de la qualité de vie qu’elle offre et des coûts relativement bas. Berlin est sans doute, après Londres, la ville d’Europe la plus internationale. Après le choix du Brexit, Londres n’entre plus en ligne de compte pour une start-up comme N26. Quant à Vienne, elle n’en est qu’au début de son développement en la matière– mais elle présente de nombreux atouts pour devenir un jour un point de chute intéressant.

Que conseilleriez-vous à d’autres entrepreneurs qui souhaitent monter leur propre fintech ?

Il est primordial d’avoir un modèle qui résout vraiment un problème pour le client. La question à se poser avant de se lancer dans l’aventure est simple : quelle est vraiment la taille du problème et quelle est la taille du marché ? Je parle souvent avec de jeunes fondateurs de start-ups. Ils sont la plupart du temps convaincus de la qualité de leurs idées, sans doute propres à résoudre un problème pour le client. Mais l’effort pour monter une entreprise visant un marché de 10 millions d’euros est le même que pour un marché d’un milliard. Les jeunes n’y accordent parfois pas assez d’importance. Il faut vraiment se demander quelle est la taille du problème client et quelle est la taille du marché, et ensuite lancer au plus vite un produit minimum viable – on ne saura rien avant.

Que feriez-vous différemment aujourd’hui ? Quelles ont été vos plus grosses erreurs ?

Notre démarrage avec un tout autre modèle a été une expérience douloureuse mais nécessaire. Nous avons travaillé pendant un an sur cette carte d’argent de poche pour ados, nous l’avons lancée, et arrêtée le jour même de son lancement. Mais nous avons beaucoup appris, et c’était d’ailleurs pour nous le seul moyen de développer notre modèle de banque. Evidemment, nous avons gaspillé de l’argent, ce qui n’est jamais indolore en phase de création d’entreprise….

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes pour leur future carrière ?

La courbe d’apprentissage est bien plus déterminante que le salaire pour la réussite d’une carrière. On devrait toujours tendre à apprendre le plus possible. A long terme, il y a généralement une corrélation positive entre les connaissances et le potentiel de rémunération. Pour qui choisit l’option d’apprendre toujours plus, un jour ou l’autre le salaire suivra.

Il s’agit aussi de démarrer dans le bon secteur d’activité : une carrière dans une branche qui double chaque année sera de toute évidence plus facile à mener que dans une autre où les seules promotions interviennent au départ des supérieurs.

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AUTEURFlorian Hamann Editeur Allemagne / Suisse

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