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L’étude très fouillée d’un ancien analyst de Morgan Stanley sur le problème des jobs en banque

Les meilleurs commentaires sur le travail en banque d’investissement vient parfois d’anciens banquiers eux-mêmes, partis vers d’autres horizons pour étudier le secteur dans lequel ils ont fait leurs premières armes. C’est le cas entre autres de la fameuse enquête au long cours sur les banquiers juniors surchargés de travail, menée par Alexandra Michel, ex-associate américaine de Goldman Sachs devenue enseignante et chercheuse. C’est aussi celui d’une nouvelle étude réalisée par un analyst en banque d’investissement resté trois ans chez Morgan Stanley.

La thèse de Florian Koelliker pour son doctorat à l’université suisse de Saint-Gall vient tout juste d’être publiée en ligne et est appelée à devenir un classique du genre parmi les banquiers devenus universitaires. Au bout de trois ans en banque (en dernier ressort, au sein de l’équipe transports et infrastructure à Londres), Florian Koelliker a rejoint une équipe de private equity chez Allianz puis entamé un doctorat. Le sujet de sa thèse porte sur « La génération Y en banque d’investissement » et plus particulièrement pourquoi les banques ne parviennent pas à retenir les milliers de jeunes qu’elles engagent.

L’analyse de Florian Koelliker est aussi fouillée qu’on est en droit de l’attendre de quelqu’un qui a réussi les trois examens du CFA en trois ans, sorti diplômé avec mention de l’Université Bocconi à Milan et 110/110. Il a mené des entretiens approfondis avec 15 personnes nées entre 1981 et 1996, toutes en poste dans de grandes banques à Francfort, Zurich et Londres, et leur a demandé ce qui n’allait pas – et ce qui allait bien aussi – dans leurs carrières respectives.

Nous vous proposons dans les lignes qui suivent un résumé de leurs réponses, toutes données en allemand et traduites.

Au départ, personne ne veut être banquier d’investissement

La banque d’investissement ne constitue pas à proprement parler le type de carrière dont on rêve dès le plus jeune âge ; c’est plutôt « une évaluation rationnelle des avantages et des inconvénients, » dit Florian Koelliker. La plupart des gens qui entrent dans ce secteur ont donc réfléchi soigneusement en amont à ce qu’ils comptent en retirer.

Les jeunes sont séduits par les salaires faramineux et les costumes de prix

Ceci ne signifie pas que la décision de rejoindre le secteur bancaire est entièrement dénuée de sentiments. Un banquier junior a confié à Florian Koelliker qu’à l’apparition sur son campus des banquiers en costume hors de prix, ils avaient « quelque chose de spécial » par rapport aux professionnels exerçant des métiers « normaux. » Un autre raconte avoir été frappé par l’intelligence et l’éloquence des banquiers à la télévision.

Si le salaire en banque ne fait pas tout, la plupart des personnes interrogées par Florian Koelliker avouent – sans surprise – qu’il pèse énormément. « Je ne ferais pas ça pour 30k € par an, » rappelle l’un des répondants. « L’objectif pour moi est de gagner le plus possible le plus vite possible. »

Un autre dit avoir été impressionné par les allégations selon lesquelles le salaire en banque double tous les trois ans. « En commençant avec un salaire quatre fois supérieur [à celui des autres], on se dit aussi « génial », on est riche relativement jeune. »

Les horaires sont infernaux et les banquiers seniors peuvent être très désagréables

Si vous faites un stage en division banque d’investissement (IBD) de nos jours, vous êtes plutôt bien traité. Les répondants ont indiqué à Florian Koelliker que les horaires des stagiaires s’étalaient généralement de 9 h à 22 h, après quoi les stagiaires ont l’obligation de rentrer chez eux.

Pourtant, quand on entre dans une banque comme analyst à plein temps, les horaires peuvent vite devenir « inhumains. » L’un des interlocuteurs raconte commencer en général entre 9 h 30 et 10 h le matin, pour ne partir qu’à 23 h ou minuit – quand il termine tôt. Finir à 2 h du matin, « ça va » ; à 4 h « c’est tard », et certains jours, il fait des nuits blanches.

Parallèlement aux horaires quasi punitifs, les répondants précisent que certains banquiers seniors sont parfois « irascibles et agressifs. » L’un d’entre eux cite le cas d’un banquier senior britannique, très formel et qui ne lâchait jamais le moindre juron, et le compare à un Américain qui « jure à tour de bras et aime bien piquer des crises. »

Les horaires à n’en plus finir isolent les juniors de tous, sauf des autres banquiers juniors

C’est un fait, bien connu d’ailleurs – mais récurrent dans les réactions des interlocuteurs de Florian Koelliker : un banquier junior a peu de contrôle sur son temps. « Même si le matin, j’ai l’impression que ce sera une bonne journée et que je vais pouvoir retrouver quelqu’un pour le dîner, il est tout à fait possible que je sois encore coincé au bureau jusqu’à 2 h du matin le lendemain, » raconte l’un d’eux. C’est pourquoi il est impossible de prévoir quoi que ce soit, et le cercle d’amis juniors dans d’autres secteurs se réduit comme peau de chagrin jusqu’à quasiment disparaître.

Tout dans la vie devient plus intense

« La vie d’analyst en banque d’investissement est plus intense à tout point de vue, » explique l’un des participants. « On travaille plus, et quand on a un peu de temps libre, on fait plus la fête, on boit plus, on dépense plus. » On essaie de vivre plus de choses dans le peu de temps dont on dispose.

De nombreuses mères tentent de persuader leurs enfants de quitter la banque

Plusieurs répondants rapportent l’inquiétude de leurs mères par rapport au temps de travail. « Ma mère aurait préféré que j’évolue dans un environnement professionnel moins intense, » - telle est la réponse qui revient régulièrement.

Les pères semblaient plus détendus sur ce point – l’un des participants indique que son père était musicien d’orchestre et comprenait la pression à laquelle il était soumis : « C’est le dernier spectacle qui compte. Tu peux avoir joué parfaitement 20 fois, si tu foires la 21è fois, tu sais quoi… c’est de celle-là dont la presse parlera. »

Le travail lui-même peut être assommant

Pour ne rien arranger, le travail en lui-même peut être fastidieux. L’un des juniors avec qui Florian Koelliker s’est entretenu passait 40% de son temps sur du travail d’analyse, et 30 à 40% sur de l’administratif ; les 20 à 30% restant étaient variables.

Pour un autre, seule une proportion de 20% de son travail le pousse au-delà de la moyenne. 30% est au niveau de la moyenne, 30% moins que la moyenne et « n’a rien de particulièrement exigeant. »

Cela « rend plutôt stupide, » observe-t-il.

La technologie est archaïque

L’un des participants note qu’il travaillait toujours sous Microsoft Office 2007 et que le passage à des systèmes plus récents impliquait « un long processus » comprenant quantité de données sensibles. Un autre raconte qu’organiser une conférence téléphonique avec cinq banquiers seniors nécessitait l’envoi de cinq courriels à cinq secrétariats différents. « Il faut à peu près une trentaine d’emails pour monter ce genre de réunion. » Un autre rapporte qu’il lui fallait 20 minutes pour se connecter quand il travaillait de chez lui.

Mais contrairement à ce que l’on croit, les jobs en banque ont aussi des bons côtés

Bon nombre des juniors consultés par Florian Koelliker insistent aussi sur l’esprit de camaraderie qui règne au sein de leurs équipes respectives : « l’équipe est très ouverte, sympathique, sans aucune arrogance, » rapporte l’un d’entre eux, qui précise que les banquiers seniors étaient aussi abordables et qu’il en avait été « agréablement surpris. »

Le secteur bancaire offre une courbe d’apprentissage incroyablement abrupte

Le principal attrait des postes en banque d’investissement est qu’ils offrent la possibilité d’apprendre énormément, très rapidement, souligne l’un des participants. On y gagne en compétence pour devenir un bon leader, et on est amené à rencontrer des cadres dirigeants. Travailler en banque d’investissement fournit une « palette d’outils » utilisable ailleurs, comme en private equity ou en buy-side. « On y apprend des choses dont on n’entendrait pas parler en travaillant de 9 h à 17 h. »

La banque est devenue un ‘apprentissage’ : les gens restent quelques années puis vont voir ailleurs

Florian Koelliker a pourtant découvert que les meilleurs ne voient souvent dans la banque d’investissement qu’une sorte de « fac 2.0 » où ils restent le temps d’acquérir des compétences comme savoir analyser les comptes d’une entreprise, ce qui leur permettra ensuite de faire autre chose. En conséquence, le secteur bancaire n’est plus perçu comme une voie privilégiée pour « une carrière toute tracée, » mais comme un domaine où travailler quelques années avant de partir en private equity, dans le conseil, ou de monter sa boîte.

« La durée moyenne d’une carrière d’analyst ici est d’un an et demi à deux ans, » confie un banquier senior. « La banque a de gros problèmes, » précise-t-il. Les gens y sont formés et ne deviennent « réellement productifs au bout d’environ un an et demi, » après quoi ils décident de partir. « Les associates sont très précieux, » ajoute-t-il.

Ceux qui restent dans la banque risquent d’être perçus comme les éléments les moins brillants

Du fait que les meilleurs jeunes du secteur trouvent somme toute assez simple de rejoindre d’autres sphères, le risque existe que les banques se retrouvent avec les jeunes recrues les moins prisées sur les bras. « Ceux qui font partie de la crème de la crème sont plus susceptibles de partir en private equity, car en toute logique, ils pourront y gagner plus, » explique un autre répondant. « Les MD qui restent ne sont pas forcément mauvais, mais tout porte à croire qu’ils n’ont pas été assez bons, ou assez ambitieux plus jeunes pour se ménager une bonne option de sortie. »

Certains des juniors interrogés par Florian Koelliker ont observé que les banquiers seniors n’étaient pas tous exemplaires. Si certains avaient utilisé l’agent qu’ils avaient gagné pour faire des choses aussi inhabituelles que passionnantes, d’autres avaient négligé leur vie privée en raison de leur « temps de travail exagéré. » - Comme le note l’un des participants à l’étude, « ce dernier groupe est sans doute plus important que dans d’autres métiers où l’on travaille de 9 h à 17 h ou de 9 h à 19 h. »

Mais c’est dommage qu’autant de gens partent car avec le temps, les horaires deviennent plus raisonnables et le travail plus intéressant

Quoi qu’il en soit, il est regrettable de voir partir autant de gens après leurs deux premières années, car le temps de temps de travail devient plus acceptable avec le temps. Un répondant rappelle avoir travaillé 60 à 80 heures par semaine quand il était vice president, puis de 45 à 70 heures une fois devenu director. Un autre banquier plus senior raconte passer aujourd’hui 12 heures par jour au bureau, de 8 h à 20 h, et avoir plus de contrôle sur son temps. « Un VP fait rarement des nuits blanches », ajoute-t-il. « Et un ED encore moins. »

Plus on avance en séniorité, moins on passe de temps sur les tâches fastidieuses. Un banquier senior fait remarquer qu’il reste certes quantité de tâches administratives, mais qu’elles sont plus liées à la fonction de direction qu’aux process.

Mieux vaut sans doute être banquier senior que consultant, avocat ou comptable senior

Les banquiers seniors ont aussi confié à Florian Koelliker qu’ils pensaient avoir une meilleure vie que leurs homologues d’autres professions. « Quand on est banquier d’investissement, on a un métier dans lequel on fait beaucoup de choses, on voyage beaucoup et on travaille en théorie depuis n’importe où dans le monde, » explique l’un d’eux. L’inconvénient, c’est la nécessité d’être disponible 24 h sur 24. « Je n’ai pas dû prendre les moindres vacances au cours des dix dernières années, » confesse-t-il. « Les gens normaux savent qu’un week-end est un week-end, ou des vacances sont des vacances. »

Les jeunes qui entrent dans la banque n’ont rien contre travailler d’arrache-pied. Ils refusent juste de travailler jusqu’à l’épuisement

En dépit des récriminations sur le temps de travail, Florian Koelliker a trouvé que les jeunes qui choisissent la banque n’ont rien contre un temps de travail très supérieur à la moyenne. – Ils veulent juste travailler 10 h par jour 7 jours par semaine, pas l’équivalent de 10 jours à 10 h par jour.

« Je suis malheureux si je ne peux pas faire de sport pendant plus de deux semaines, » avoue un junior. Quand un autre note qu’il n’est « en aucun cas de ceux qui ont besoin de suffisamment de temps libre. » Avant de conclure que ce serait impossible à son poste.

C’est la perspective de l’extrême surcharge de travail et le manque d’influence significative qui détournent les gens

Enfin, Florian Koelliker est parvenu à la conclusion que c’est la surcharge de travail, extrême dans la banque, qui contribue à en détourner les gens au bout de quelques années. Un participant indique accorder plus d’importance aux souvenirs qu’aux biens matériels, et que pour cette raison, son objectif est de travailler un certain nombre d’années et de « mettre un peu d’argent de côté pour partir voyager. »

Un autre rappelle qu’il n’y a « aucun épanouissement personnel » dans la banque durant les dix premières années. « Normalement, on dit ‘oui et amen’ aux ordres de son supérieur, et on se borne à les suivre. »

Mais les banques pourraient changer

Florian Koelliker relève que la Génération Y est différente de celle qui l’a précédée. Ses membres veulent un bon équilibre vie pro / vie perso, des retours réguliers et structurés, une influence significative sur les décisions essentielles, un accès à la technologie qui améliore l’efficacité et un accès à la formation continue. Si les banques veulent pouvoir retenir plus de juniors, elles doivent répondre à toutes ces attentes, et vite.

Crédit photo : Markus Spiske sur Unsplash

Contact: sbutcher@efinancialcareers.com in the first instance. Whatsapp/Signal/Telegram also available (Telegram: @SarahButcher)

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AUTEURSarah Butcher Editrice Monde

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