Quand les quadras gestionnaires de portefeuille en hedge fund se sentent vieux et décrépits…
Si vous avez une vingtaine d’années et que vous rejoignez un hedge fund, ayez une pensée pour les vieux gestionnaires de portefeuille au-dessus de vous. Ils n’ont peut-être que 40 ou 45 ans, mais ils ont la sensation d’être des antiquités.
C’est ce que raconte Kathleen Riach, professeure à l’école de commerce Adam Smith Business School de l’Université de Glasgow, en Écosse. De 2011 à 2021, elle s’est entretenue avec 50 employés d’un hedge fund londonien, en mettant particulièrement l’accent sur 13 hommes et 7 femmes, âgés de 35 à 45 ans lors du premier entretien. Les résultats de cette étude ont fait l’objet d’un livre qui vient tout juste de paraître.
Plutôt que de concentrer son étude sur les bénéficiaires des plus grosses rémunérations, au meilleur de leur forme, Kathleen Riach s’est tournée vers un groupe de gens parfaitement conscients de leur condition de mortels, et qui ressentent un coup de vieux à l’arrivée de nouvelles recrues bien plus jeunes.
La fatigue extrême en est l’une des raisons. Ils paient le prix des années de surcharge de travail et des modes de vie laissant une large place à l’alcool. « Quand j’ai commencé à travailler, je faisais des journées de 12 heures et je dormais tout le week-end. Aujourd’hui, je travaille toujours 12 heures par jour, j’ai des temps de transport invraisemblables et je ne dors pas le week-end, » - telle est la confession d’un gestionnaire de portefeuille.
Car voilà, quand on travaille dans un hedge fund, impossible de vieillir dignement. Ses interlocuteurs ont avoué à Kathleen Riach se sentir contraints d’avoir recours aux implants capillaires, au blanchissage des dents et aux traitements d’orthodontie, et à des injections de Botox pour contrer la perception qu’ils sont « en perte de vitesse. » Ils se sentent aussi obligés de s’engager dans des « défis fitness » comme des triathlons, et d’en parler en public, comme en salle des marchés, tout en indiquant en privé souffrir de multiples maux et douleurs dus au surmenage. Un professionnel des hedge funds se doit d’être un modèle « d’exubérance et d’endurance, » raconte Kathleen Riach, rappelant sa précédente étude selon laquelle les hommes en hedge funds se sentaient sous pression pour afficher un « physique de guerrier, » en particulier à mesure qu’ils prenaient de l’âge.
Dans le même temps, ces quadras exubérants se sentent terriblement déconnectés de leurs jeunes collègues. Ils ne vivent pas dans les mêmes quartiers branchés, mais dans des banlieues sans intérêt, et ne comprennent guère ce que ces mêmes jeunes collègues font de leurs week-ends. Ils sont aussi conscients de dépenser bien plus que leurs juniors : « Je me rends compte que bon nombre d’entre eux seraient choqués si je leur disais ce que je dépense pour mon équipement cycliste ou mes autres gadgets, » avance un interlocuteur plus âgé.
Parallèlement à leur épuisement et à la sensation d’altération physique, les gestionnaires de portefeuille les plus âgés confient à Kathleen Riach que leurs compétences sont dépassées et leurs carrières en perte de vitesse. « La plupart de ces gens ont des doctorats en science, maths ou ingénierie, ils sont très centrés sur les chiffres, … les techniques de notre entreprise sont assez pointues. J’ai dû me mettre au code juste pour comprendre le fonctionnement de nos systèmes de trading, » raconte l’un d’entre eux. « En toute franchise, je dirais que ça (ma carrière) fait du sur-place, » indique un autre.
Corolaire de tous ces éléments, une prise de conscience naissante qui a conduit l’un des interlocuteurs de Kathleen Riach à confier qu’il se posait des questions sur ce qu’il avait réellement accompli, tout en remarquant qu’il commençait à ressembler à son propre père.
Pourtant, rien de tout cela n’a été exprimé en public. Kathleen Riach a préféré noter qu’après avoir exposé son épuisement, s’en être plaint et l’avoir bien fait comprendre en salle des marchés, un gestionnaire de portefeuille s’est senti obligé de renforcer son statut de mâle alpha en faisant une brève référence à une séance de sport, en invitant tout le monde à prendre un verre et en mentionnant au passage une transaction particulièrement réussie pour lui plus tôt dans l’année.
*Aging Transitions at Work : The Embodied Experience of Becoming Older
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