Les banques ont tout misé sur la résilience de leurs employés. C’était peut-être une erreur
La semaine du 15 au 21 mai était celle de la santé mentale au Royaume-Uni. Dans un contexte post-pandémie, où les problèmes mentaux se sont multipliés et où les professionnels de la finance et d’autres secteurs sont plus à l’aise pour parler de leur mal-être, l’approche visant à promouvoir une bonne santé mentale évolue. La résilience – mot d’ordre pour les employés du secteur bancaire après la crise financière – est en passe d’être remplacée par une approche plus nuancée du bien-être.
« Le terme de résilience a été très utilisé après l’ouragan Katrina, » indique Anouchka Grose, psychanalyste exerçant dans les districts du sud-est de Londres. « Ce peut être l’expression d’un manque de compassion. Cela signifie en effet ‘Ferme-la et avance.’ Il fait porter la responsabilité à l’individu plutôt qu’au système. »
Goldman Sachs a été l’une des banques les plus impliquées en faveur de la résilience. En 2011, elle a mis en place une semaine entière dédiée à la résilience. Goldman a défini la résilience autour de cinq dimensions : l’état d’esprit (prendre le contrôle de ses pensées et rester ancrer dans le présent), la force physique (augmenter l’énergie et l’endurance au travail et dans la vie privée), les liens (cultiver le travail positif et les relations personnelles), la finalité (mettre en perspective les objectifs et priorités avec les valeurs personnelles) et la conscience de soi (développer une perception claire de soi-même, y compris des forces, motivations et domaines à développer). La résilience des employés a été encensée dans les rapports de durabilité de la banque au moins jusqu’en 2020, quand Goldman vantait ses ‘programmes personnalisés visant à développer la résilience’ et ses ‘sessions de formation à la résilience’.
Ces dernières années pourtant, la référence à la résilience en lien avec les employés a totalement disparu des rapports de durabilité de Goldman. On ne sait pas vraiment pourquoi, mais cela pourrait être lié à la fameuse enquête sur les conditions de travail réalisée par des analysts de première année au début de la pandémie. Les répondants ont été sans pitié. « La privation de sommeil, le traitement infligé par les banquiers seniors, le stress physique et mental… J’ai vécu en famille d’accueil, et tout cela est largement pire, » trouve-t-on dans une citation fréquemment reprise. Dans le contexte actuel, promouvoir la résilience revient à se montrer insensible.
Goldman Sachs n’est pas la seule banque où le bien-être des employés a un jour ou l’autre constitué un problème. Un récent rapport sur les conditions de travail, publié Wall Street Oasis, a mis en évidence que près d’un tiers des banquiers envisageaient de rechercher des conseils de carrière ou de s’engager dans une thérapie en raison du stress subi au travail. « L’industrie et la tech concluent des tonnes de transactions, mais travailler dans ces conditions au sein de ces groupes aura des conséquences physiques et mentales irréversibles, » raconte un analyst d’une boutique. Alors que les deals et les commissions sont en chute libre, les pitchs se poursuivent avec l’énergie du désespoir, même quand les équipes voient leurs effectifs réduits à peau de chagrin ; en conséquence, nombreux sont les employés en banque d’investissement qui travaillent aujourd’hui plus qu’ils ne l’ont jamais fait. Un MD nous a même indiqué qu’ils ne savaient quasiment plus où donner de la tête : tout le monde court dans tous les sens, mais sans grand résultat.
Dans ce contexte, le ‘continuer à tout prix’ qu’implique la résilience fait place à une approche plus mesurée. Pour Rischenda Poulson, psychothérapeute dans le Surrey, il est maintenant moins question de résilience et plus de tolérance au stress et de son acceptation, ainsi que de consentir à montrer sa vulnérabilité.
La résilience implique un certain stoïcisme, explique Rischenda Poulson, qui a travaillé avec des banquiers en burnout dans l’une des cliniques du groupe Priory (connu outre-Manche comme l’un des acteurs majeurs indépendants de la santé mentale et comportementale). Cela n’a rien de mal en soi, sauf si l’accent mis sur la résilience devient excessif et équivaut à une forme d’autosabotage et d’autodestruction. L’important est le facteur émotionnel qui conduit au comportement néfaste, dit-elle. « Les gens ont souvent la conviction fondamentale que leur valeur est liée à leur performance, ce qui en retour leur donne à penser qu’il leur faut être résilient, et peut signifier qu’ils finissent en burnout. »
Pour Rischenda Poulson, associer tolérance au stress et consentement à être vulnérable et à montrer ses faiblesses permet aux professionnels de la finance d’être mieux armés pour développer une estime de soi dissociée de la performance incessante au mépris de la santé. « Faire preuve d’intégrité et se sentir valorisé sont les objectifs ultimes, » dit-elle. « Si vous êtes en paix avec vous-même et s’il y a une forme d’authenticité et d’intégrité dans votre façon de vivre, vous serez plus enclin à vous écouter qu’à vous laisser entraîner par des objectifs extérieurs. »
Anouchka Grose affiche le même avis : le sens de l’intégrité personnelle est essentiel au bien-être mental ; mais elle ajoute que cela peut être difficile à saisir pour ses clients de la finance. « Dans des métiers comme ceux de la banque ou du droit, les gens souffrent souvent de dissonance cognitive, » explique-t-elle. « Ils sont très au fait de ce qui va mal dans le monde en termes de changement climatique ou de responsabilité sociale, mais ils comprennent tout aussi bien que leurs métiers peuvent contribuer à la gravité de ces situations. » Dans ce contexte, la résilience peut selon elle correspondre à un ordre de l’employeur de ne pas se poser de question sur la situation, ce qui en soit peut empirer les choses.
Les efforts des employeurs en matière de programmes de responsabilité sociale des entreprises n’éliminent en rien la dissonance : « ce genre de compensation psychique à grand échelle ne marche pas, » poursuit Anouchka Grose. Au lieu de cela, ses clients s’arrangent souvent à leur manière pour gérer leur intégrité dans le temps. « Le saut périlleux psychique du riche contemporain consiste en général d’envisager de travailler dur dans un secteur perçu comme indigne, avant par exemple de prendre sa retraite dans une ferme bio ou équivalent. On voit ça partout maintenant. »
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