Les programmes en faveur de la diversité dans les établissements d’élite aident-ils vraiment les étudiants
Oui, mais ce n’est pas la panacée, telles sont les conclusions d’une nouvelle étude analysant les résultats d’un dispositif de discrimination positive à Sciences Po.
L’étude menée par Agnès van Zanten, sociologue et directrice de recherche au CNRS, confirme que ce programme a apporté « de nombreux avantages » à la majorité des diplômés qui en sont issus : non seulement leur progression de carrière aurait été freinée sans ce dispositif, mais certains n’auraient peut-être même pas obtenu de diplôme, « voire auraient décroché au bout du compte des postes beaucoup moins prestigieux et moins bien payés. »
Agnès van Zanten a analysé les Conventions éducation prioritaire (CEP), le dispositif mis en place par Sciences Po entre 2001 et 2020. Il prévoyait la sélection et la formation aux concours d’admission d’étudiants issus de lycées défavorisés.
Si les diplômés de la voie CEP ont été nombreux à réussir au niveau professionnel, Agnès van Zanten relève que les étudiants ont toutefois été confrontés à des obstacles – autres qu’académiques – résultant de leur statut social : manque « en particulier de capital économique, de capital culturel incorporé, et de capital social, mais aussi en raison des processus de discrimination, » à mettre au compte du « tokénisme ».
En conséquence, l’auto-ségrégation, « renforcée par la tendance de nombreux diplômés de la voie CEP à éviter les activités extracurriculaires autres que celles étroitement liées à leurs origines ethno-raciales, » a contribué à aggraver leur altérité par rapport aux étudiants non admis par la voie CEP.
Les étudiants bénéficiaires de CEP ont parfois eu une relation compliquée au dispositif. Pour l’un d’entre eux, sa participation à une CEP l’a fait percevoir par les recruteurs comme « une incarnation de la méritocratie républicaine » - et si certains se sont plu à « ‘jouer la carte de la diversité’ dans leurs candidatures, » Agnès van Zanten relève que d’autres ont ressenti une certaine gêne. « J’ai toujours mis un point d’honneur à m’assurer que personne ne pourrait s’imaginer que j’étais entré à Sciences Po par le biais de ces conventions car j’avais peur, précisément, des préjugés négatifs des gens, » raconte un candidat.
Reste que mettre un pied dans la porte ne suffit pas toujours pour gravir une montagne. « Malgré l’avantage très significatif d’être diplômé d’un établissement d’élite, les diplômés hors du parcours classique manquent toujours des capitaux nécessaires pour décrocher certains postes, et en particulier pour accéder aux fonctions les plus convoitées, » conclut Agnès van Zanten.
Quoi qu’il en soit, les diplômés des CEP ne sont dans l’ensemble pas mécontents de leur situation. L’une d’elles parle de son diplôme comme d’un « couronnement ». Comme Agnès van Zanten le dit elle-même, « le nouveau dispositif d’admission de Sciences Po a apporté des avantages conséquents à la majorité des diplômés entrés via les CEP. »
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